Presse Éducation

Hommage à la Grande Royale du Fouta, madame Aïssata KANE

Première femme ministre en Mauritanie

Une Icone mauritanienne et Héroïne Africaine a tiré sa révérence le 10 août 2019 à Nouakchott. Née le 18 août 1938 à Dar El Barka, elle avait 81 ans et une (1) semaine et compte près de six décennies (1960-2019) d’engagement social, politique et environnemental tant au niveau national qu’international. Car, dès son retour de Bruxelles (Belgique) où elle était allée suivre des études en sociologie, elle s’engagea en Mauritanie dans la lutte pour l’éducation et l’organisation des masses populaires, surtout féminines.

Ainsi, à l’instar de l’Union nationale des femmes dont elle avait pris part à la fondation en 1957 à Dakar, elle cofonde en 1960 l’Union nationale des femmes de la Mauritanie (UNFM). Ce, en vue d’organiser les femmes mauritaniennes et de les conscientiser sur leurs droits, leurs devoirs, leurs forces, etc.

Consciente que, comme le disait Michelle OBAMA, c’est par le biais du pouvoir qu’on peut opérer à des changements dans une société, elle adhère au Parti du peuple mauritanien (PPM), unique parti durant cette période en Mauritanie. Elle y milite activement au sein du Conseil Supérieur des Jeunes et des Femmes (1971- 1978), puis devint plus tard, la Présidente du Conseil supérieur des Femmes.

Éducatrice, elle créée la première revue féminine en Mauritanie, dénommée "Mariémou". Elle y mène l’information et la sensibilisation en vue de l‘émancipation de la femme mauritanienne.

Cet engagement social attirera l’attention des politiciens de son pays sur cette active militante politique et lui vaudra la nomination au poste de ministre de la Protection de la Famille et des Affaires sociales. Poste qu’elle occupera de 1975 à 1978, date du coup d’État militaire contre le régime du Président Ahmed Ould Daddah. Malgré la courte durée de son pouvoir politique, Aïssata KANE arriva à apporter des améliorations significatives à la condition des femmes mauritaniennes et à celles de leurs enfants. En effet, elle fit décréter une loi qui interdit la répudiation et oblige le mari à verser une pension en cas de ce genre de brutal divorce. Aussi, elle donna aux femmes le droit aux congés de maternité, de recevoir elles-mêmes les indemnités familiales et établit le principe du "à travail égal, salaire égal entre les hommes et les femmes". Mais, sa plus grande réalisation fut l’éveil des consciences mauritaniennes, surtout celles des femmes.

Femme de convictions, la perte du pouvoir politique par le coup d’État militaire ne l’arrêtera point. Bien au contraire, elle se jeta à bras le corps dans des activités au profit de la société civile, plus particulièrement en faveur des femmes, de l’évolution des mentalités et du mieux-être des enfants.

Mais, l’éducation des enfants, surtout celle des filles a toujours été au cœur de ses préoccupations. Déjà en 1976, elle dénonçait qu’en seize (16) ans d’indépendance, la Mauritanie n’ait formée que seize (16) filles qui ont atteint le niveau du baccalauréat dont quelques unes ont pu aller à l’Université. Elle exprima le vœu qu’il y en ait beaucoup plus dans les années à venir. Quand elle était ministre, pour favoriser l’envoi des enfants, surtout des filles à l’école, elle avait conditionné l’appui financier du gouvernement à leur scolarisation. Pour bénéficier des allocations familiales, les parent-e-s devaient présenter le certificat de scolarité de leurs enfants. Cela aurait accru le taux de scolarité en Mauritanie. Elle continua de revendiquer l’accès des femmes aux instances de décision tel que le Conseil des ministres où elle fut l’unique femme à siéger durant des années. «Il y a bien d’autres femmes aussi capable que moi», répétait-elle à ses collègues députés et ministres. Ce qui dénote de sa conscience politique aigue, de son féminisme assumée et de sa grande générosité, mentionnées par tous et toutes.

La vie de Kadia KANE se confond quasiment avec l’évolution de la femme mauritanienne. De 1960 à son décès (2019), elle n’a fait qu’agir dans le sens de l’émancipation de celle-ci. Elle étend aussi son action sur la scène mondiale et participe aux grandes rencontres internationales (Conférences de Copenhague en 1979, de Nairobi en 1985, le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1972, etc.) Elle fonde ou cofonde ainsi plusieurs organisations dans lesquelles elle était toujours Leader. Elle fut ainsi :

- Membre fondatrice de l’Union nationale des Femmes de la Mauritanie ;

- Présidente de l’Association mauritanienne de la protection de l’enfance ;

- Consultante internationale des agences des Nations Unies ;

- Présidente de l’Union internationale des organismes familiaux ;

- Présidente de l’organisation Panafricaine de la Famille ;

- Présidente de l’Association internationale des femmes francophones (AIFF) ;

- Présidente de l’Association mauritanienne pour la protection de l’environnement.

De par ces implications, elle reçut plusieurs distinctions à travers le monde. En effet,

- En 1974, elle reçut en Chine une distinction des mains de Mao Tsé Toung ;

- En 1975, le Chevalier du Mérite national en MAURITANIE ;

- En 1996, l’Officier de la Légion d’honneur en FRANCE ;

- En 2001, le Prix Hisham Al Alaoui au MAROC ;

- En 2018, le Prix de la Femme Africaine Prisonnière de l’Union Africaine réunie en Mauritanie.

Militante politique, féministe et écologiste/environnementaliste, madame KADIA Mame Djack KANE ou Aïssata Racky Mamadou WANE a été de tous les combats en Mauritanie et sur la planète Terre. Combattante pour l’émancipation de la femme mauritanienne, pour l’autonomisation des Africaines, pour la sauvegarde mondiale de l’environnement, elle a également œuvré par l’exemple pour l’unité nationale. Semble t-il que : "La maison de Kadia Kane est une Mauritanie en miniature".

Icône nationale, elle a eu des funérailles quasi nationales où personnalités politiques (Premier ministre, ministres, députés, etc.) et chefs religieux de différentes confréries côtoyaient les représentants de plusieurs organisations de la société civile ainsi que le grand public. De même, toutes les composantes de la société mauritanienne (Hal Pulaar, Soninké, Wolof, Maures, Bambaras et étrangers) étaient présentes à ses funérailles. Chacun-e- exprimait la peine d’avoir perdu personnellement un être cher.

Aussi, de nombreux hommages lui ont été rendus (Commission Nationale des Femmes, membres du Gouvernement, membres d’organisations de la société civile, populations de Dar El Barka et autres contrées du Fouta, journalistes et médias tels que Dao FM Canada, …). Mais, le meilleur hommage à lui rendre sera d’œuvrer conformément à son idéal à la réconciliation et à l’unité nationale de la Mauritanie.

Quand elle sut que son flambeau a été repris par une des filles de la Mauritanie, Docteure KANE Nene Oumou Deffa nommée, Ministre des Affaires sociales comme elle, il y a 45 ans (1975), elle rendit son dernier souffle et pris son envol pour l’éternité.

Mission accomplie, Grande Royale, Dame Aissata KANE !

Repose en Paix !

Docteure LY-Tall Aoua Bocar

Chercheure associée à l'Institut d'Études des Femmes de l'Université d'Ottawa, CANADA

Sociologue, Auteure, Consultante et Conférencière internationale, QUÉBEC

Présidente-Fondatrice de DiaFéMa _Diaspora Féminine Africaine au Québec/Canada

E-mail: aouab_ly.tall@ymail.com ; Site Web: http://www.femenvie.org

BIO: https://www.africanishstyle.ca/aoua-bocar-ly-tall---fr---real-gainde.php

Lettre aux enseignantes et aux enseignants de la Mauritanie

Sherbrooke, le 9 octobre 2015

Très cher Niane,

Combien de fois n’avons-nous pas échangé autour de nos pays respectifs! Je te parlais du Québec, de notre système d’éducation; toi, tu me parlais de la Mauritanie, avec tant de ferveur dans tes yeux et dans ta voix que j’avais le sentiment d’en connaître tous les recoins. Voilà qu’aujourd’hui tu mets sur pied une école à Dao – j’en veux comme preuve cette vidéo très éloquente que tu as mise en ligne dernièrement. Un projet dont tu ne soupçonnes même pas l’envergure – tout ce qui vise directement l’éducation des enfants (petits et grands) est si vaste qu’on n’en connaît pas les frontières. On ne sait jamais où mènent les heures, les jours, les années que l’on passe sur les bancs de classe. Qui sait si dans cette école on ne formera pas le futur chef du village? un futur médecin? un notable de la place?

Si tu le permets, cher Niane, j’aimerais m’adresser, par le biais de cette lettre, aux enseignantes et aux enseignants à qui les parents de Dao, et de toute la Mauritanie, se préparent à confier leurs enfants. Enseigner est un métier noble: les papas et les mamans nous prêtent ce qu’ils ont de plus précieux au monde, leurs enfants. Ils nous demandent de les aider à grandir, ils nous demandent de les accompagner dans leur cheminement scolaire, mais aussi de s’impliquer dans l’avenir de leur nation. Enseigner est un métier très exigeant si on veut répondre à toutes ces attentes. Abreuver l’enfant qui a soif de connaissances, nourrir sa curiosité intellectuelle, susciter une ouverture sur le monde, voilà quelques-uns des objectifs que ne doit pas perdre de vue l’enseignant. Mais il y a plus : l’enseignant doit être un excellent communicateur. Son rôle premier est d’apprendre à l’élève à apprendre. Il n’a pas à déverser de haut tout son savoir; il préférera guider l’élève dans son apprentissage comme l’ont fait avant lui les parents lorsque l’enfant apprenait à faire ses premiers pas. Il encouragera, applaudira celui qui a du succès; il aidera à se relever et se remettre sur pied l’autre qui rencontre des écueils. L’enseignant doit absolument mettre au cœur de son acte pédagogique le respect de l’enfant qui lui est prêté. C’est un facilitateur, il installe dans sa classe un climat de confiance, car il sait que l’affectif importe autant que le cognitif dans l’apprentissage. Les études le démontrent : apprendre est toujours plus facile quand on est accompagné par quelqu’un qu’on aime et qu’on respecte.

D’autres facteurs entrent en ligne de compte, bien sûr : maîtriser la matière à enseigner, savoir bien gérer sa classe, collaborer étroitement avec ses collègues et la direction de son école, entre autres. Mais placer l’élève ou l’étudiant au centre de son activité pédagogique devrait, à mon humble avis, être primordial. C’est un privilège d’être le témoin de l’épanouissement des enfants tant sur le plan personnel que sur le plan académique. Quel bonheur de sentir dans le regard des petits toute leur fierté d’avoir intégré une matière nouvelle! Ces moments volés à l’éternité, personne ne peut les enlever à l’enseignant. Bien des années ont passé depuis ma première année d’enseignement et, aujourd’hui à la retraite, je me nourris de ces souvenirs heureux. Comme le font les parents qui se souviennent avec émotion des premières découvertes de leurs enfants.

Enseigner est une chance inouïe, car le contact avec les enfants fait grandir les maîtres à leur tour. Je souhaite aux enseignantes et aux enseignants de la Mauritanie de connaître ces bonheurs-là. Je leur souhaite aussi de sentir de la part des autorités locales et des parents tout le respect qu’ils méritent.

Voilà, cher Niane, ce qui me vient à l’esprit lorsque j’apprends qu’une nouvelle école est en train de pousser sur le sol de Dao en Mauritanie. J’y vois des élèves et des maîtres heureux d’apprendre. Longue et belle vie à ce projet!

En toute amitié,

Pierrette Denault

Sherbrooke, Québec

AFRICA POST

Mauritanie - Année de l’Éducation 2015

En Mauritanie, la célébration de 2015, année de l’éducation, intervient à l’heure de la mondialisation accrue des échanges humains et de la globalisation progressive des économies. De plus en plus d’intérêt est porté à l’évolution de notre système d’éducation. Dans cette perspective, cet article sera consacré à un rapide survol de l’évolution de l’éducation à travers les siècles.

L’école, en tant que lieu d’enseignement, s’est réellement développée au Moyen-Âge. Une des composantes de sa mission reposait sur un curriculum constitué du trivium (l’enseignement de base, la grammaire, la rhétorique, la dialectique) et du quadrivium (l’arithmétique, la géométrie, la musique, l’astronomie). Le rôle de l’éducateur n’était pas seulement d’enseigner mais aussi d’éduquer. L’élève du Moyen-Âge, comme celui de l’Antiquité, doit apprendre ses réponses par cœur, car savoir à cette époque, c’était savoir par cœur. L’école était élitiste, peu d’enfants y avaient accès et qu’encore moins avait accès aux études supérieures. De plus, cette école était réservée à une élite, et fondée sur un savoir indépendant de l’enseignant et de l’apprenant. Observation étant faite qu’on ne parlait pas beaucoup de pédagogie et que l’école du Moyen-Âge prônait « l’idéal de la personne éduquée. » Ce modèle qualifié de « traditionnel » va se perpétuer jusqu’à nous. On cherche encore, de nos jours, à ce que l’école soit plus qu’un simple lieu d’instruction, lieu où des maîtres, à tour de rôle, transmettent leur savoir. On souhaite que l’école éduque, façonne en profondeur les élèves, et leur inculque des valeurs. En définitive, ce modèle traditionnel du Moyen-Âge va progressivement s’effriter tout au long de l’époque suivante, la Renaissance.

Longtemps, l’éducation médiévale a eu pour but de former l’élite qui formerait les autres acteurs sociopolitiques importants. Mais, l’humanisme propose aux hommes de son temps un « idéal de réalisation humaine » qui fait de chaque homme l’artisan de sa vie en puisant dans les ressources de sa volonté et la puissance créatrice de son intelligence. » Ensuite, notons que redécouvrir l’héritage des grands auteurs de l’Antiquité signifiait également redécouvrir les mathématiciens, les scientifiques, et pas seulement les philosophes. De fait, la science et la technologie font des pas de géants en Occident à partir de la Renaissance. Un envol qui s’explique par le fait que les penseurs de l’époque démontraient un grand intérêt pour la science et la recherche scientifique. Des pionniers comme Thomas d’Aquin, Copernic, Galilée, Kepler, et Newton, avec leurs réalisations scientifiques, ouvrent la voie à une classe de scientifique qui va redéfinir notre vision du monde et des lois qui le régissent. C’est « l’idéal de la raison » qui va graduellement s’imposer. L’univers devient l’objet d’une grande géométrie que le nombre exprime. Ainsi, un espace est ouvert où le sens de la vie et du monde n’est plus entièrement donné par la collectivité, par les coutumes, par les héritages ou les traditions auxquels on appartient. Mais, un espace où le sens est construit quelque part entre les convictions reçues et l’expérimentation individuelle, et qui demeure ouvert à l’incertitude relative, à la critique, à la libre pensée, à la délibération, en un mot à la raison. Toujours dans un même sens, les grandes explorations et la découverte du Nouveau-Monde, l’imprimerie, la réalisation du fait que l’Univers est constitué de systèmes et de planètes qui s’étendent à l’infini, autant de réalités qui contribuent à une ouverture de la pensée. Au bouleversement de la pensée qu’engendre ce passage à la modernité correspond une transformation des finalités éducatives. D’où l’urgence pour les humanistes de réfléchir à la place de l’homme dans l’Univers, de définir un modèle humain qu’une éducation éclairée devra réaliser.

De fait, la tâche d’une pédagogie rigoureuse du sens ne se développera davantage en éducation que pendant le siècle des Lumières. En plus du progrès, une spécificité particulière des Lumières est que trois champs de l’activité humaine seront particulièrement étudiés: la Science, les Arts et la technique. En conséquence, chacun de ces domaines devra se mettre au service du progrès et du bonheur de l’humanité. Tout comme c’est le cas à la Renaissance, les Lumières se distinguent par des conflits relatifs aux aspects de l’opposition de la raison à l’ignorance. D’ailleurs, la Révolution Française l’illustre bien cette opposition qui va mener à l’avènement de « la réalité positive de la raison » : les droits de l’individu, les droits collectifs et l’universalité du genre humain. La Révolution Française (1789-1793), précédée de la Guerre d’Indépendance Américaine (1776-1781), a eu un impact prédominant dans le développement des idées véhiculées par les Lumières. En effet, le 14 juillet 1789, c’est la prise de la Bastille. Le pays est maintenant dirigé par l’Assemblée élue des Républicains. La première tâche de l’Assemblée est la Déclaration des droits du citoyen. L’originalité du texte de cette déclaration est un exemple éloquent du triomphe de la raison sur l’ignorance. L’universalité de cette déclaration est frappante: « Les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Le texte même de cette déclaration a inspiré la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (Nations-Unies). C’est aussi un bel exemple de la réalité positive de la raison. Cette déclaration et celles qui ont suivi sont probablement la plus belle partie de l’héritage laissé par le siècle des Lumières. Avec cette déclaration, on donne à chacun les Droits suivants : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. L’intérêt suscité par la réussite de cette déclaration fait en sorte que graduellement, le droit à l’éducation pour tous va devenir réalité.

Finalement, en ce moment de la préparation de la rentrée scolaire en Mauritanie, le renforcement de notre système d’éducation, la construction des édifices scolaires, la valorisation de nos enseignants, et les choix et les voix de nos élèves demeurent des questions d’actualité. À cet égard, certaines pratiques pédagogiques existantes dans d’autres pays ne sont pas sans intérêt pour l’analyse, la réflexion et la prise de décisions. Certes, il reste beaucoup à faire en éducation pour que les apprenants se sentent respectés et heureux, mais grâce aux efforts des autorités nationales, de chaque enseignante et enseignant, grâce à la complicité des adultes qui entourent les enfants d’ici et d’ailleurs, tout est possible. Bonne année d`éducation aux Mauritaniennes et Mauritaniens. Bien du succès dans cette année scolaire 2015-2016.

Niane Abdoul Demba,

Edmonton, Alberta, Canada